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SUR LA PISTE DU MAMMOUTH
À Khatanga, ville oubliée au bout de la Sibérie où
il y a des Russes, des rennes, un port et de la vodka, vivent des amoureux de
découvertes surprenantes. Des nomades trouvent des défenses de
mammouth ? Leur imagination ne fait qu'un tour, ils se mettent à
rêver éveillés au morceau de choix manquant : l'animal
lui-même, en laine, en chair, en os. Les caves de la ville, dans un sol
à moins quinze degrés où s'entreposent poissons et viandes,
leur semblent un lieu idéal pour le conserver ? L'expédition
est lancée. L'endroit de la trouvaille leur a été signalé
par les Dolganes, éleveurs de rennes dans la toundra.
La longue et pénible quête pour trouver le matériel, les
transports, le carburant, l'argent, les parrainages scientifiques, se prolonge...
Les chercheurs, confrontés à des conditions climatiques très
rudes, même pour les plus aguerris - tempêtes de neige, vents
violents, froids à moins trente degrés, panne du matériel -
abandonnent à regret jusqu'à la bonne saison. Alors, un hélicoptère
spécial, dans la lumière finissante du jour arctique, transporte
vers sa nouvelle résidence, prisonnier dans sa gangue de permafrost de
vingt-trois tonnes, un mastodonte de 47 ans baptisé Jarkhov. Bien conservé
dans le sous-sol de Khatanga, il sera étudié à loisir par
des spécialistes du monde entier avec ses plantes, son pollen, ses insectes
de 20.000 ans, et surtout son l'ADN qui permettra, peut-être un jour,
de le cloner. Suite au prochain numéro ?
Le mammouth a sans doute vécu ici dans un paysage de steppes, entre 40.000
et 4.000 ans avant J.C. Il est donc contemporain de l'homme qui le chassa, avec
le rhinocéros laineux, le cheval, le bœuf musqué. Il disparut
lentement, sans doute affaibli par les changements climatiques, les bactéries,
les virus. Les nomades peuvent travailler et vendre son ivoire, avec lequel
ils fabriquent des plaques de harnachement pour leurs rennes, des amulettes,
des décors de ceinture.
Ce document est beau dans sa quotidienneté, avec des images de synthèse
montrant l'animal en troupeaux dans son environnement et leur prédation.
Ce film prouve que la recherche est une activité exaltante, exigeant
beaucoup de ténacité, de courage face aux obstacles administratifs,
aux contraintes d'un environnement hostile, mais séduisant. L'information
qu'il nous donne concernant le montage d'une telle expédition est enrichissante,
l'aventure humaine poignante, le but de la quête sympathique et spectaculaire.
La forte motivation qui s'en dégage fera peut-être naître
des vocations.
(Pierre Coppée, Charleroi)