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Rencontre en images avec Villevue
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Diptyque 1.
Olivier Spinewine et Jiacinto Branducci se sont rencontrés à l’ERG. Le premier y enseigne l’analyse de l’image aux étudiants qui font l’agrégation, agrégation que suivait le second, après avoir étudié les arts plastiques et visuels. Les univers artistiques des deux hommes se sont rencontrés fortuitement. Les images qu’ils produisent chacun de leur côté se valent d’un point de vue formel. Le dialogue est donc possible et rapidement établi, Villevue voit le jour.
C’est aussi une passion pour l’art contemporain et l’envie de s’en amuser qui réunit ce duo. Dans cette perspective, ils pratiquent un « dialecte de l’art contemporain » à travers lequel ils ironisent sur l’élitisme intellectuel infiltré dans la sphère artistique actuelle, et par lequel ils déconstruisent également l’idée que l’on se fait de la création plastique d’aujourd’hui.
Diptyque 2. La forme
Les images produites par Villevue sont
figées. C’est bien sûr le propre du médium photographique mais les procédés
techniques qu’ils utilisent participent, plus que tout, à cette impression
d’instant gelé dans le temps. L’utilisation du cadrage pensé avec soin, l’aspect
épuré de la composition aux lignes de force marquées, la quasi absence de
profondeur, sont autant de procédés permettant la construction d’une image
« qui met en évidence la chose vue et à faire voir ». En somme, la
proposition de Villevue est celle de décontextualiser les sujets photographiés
pour nous diriger vers une lecture dont le fil conducteur serait la forme
esthétique pour ce qu’elle est.
Diptyque 3. La dérive urbaine
Sans le déplacement, la
photographie n’existe pas au sein du processus créatif de Villevue. Les deux
artistes ont choisi l’espace urbain car il permet, plus que tout autre
environnement, de mettre en évidence les actions créées par l’humain. La
technique importe peu (les photographies sont prises au smartphone). Dans cette
perspective, Villevue ne se définit pas en tant qu’association de photographes
mais préfère être attachée au terme « photographiant », qui fait valoir la
notion d’action. Rester à l’affût d’une situation banale qui attire le regard
par sa beauté formelle est leur leitmotiv. Ils partent ainsi à l’aventure,
dérapent pour faire « l’expérience affective » de l’espace urbain.
En fait, le collectif se réapproprie le concept de dérive urbaine appréhendé par Guy Debord, écrivain français du XXe siècle fondateur de l’Internationale situationniste. Cette dérive « se définit comme une technique de passage hâtif à travers des ambiances variées (…) L’objectif de celle-ci, qui se déroule à pied, est de localiser ces ambiances, de les évaluer et de les expliquer » (in. Théorie de la dérive par G. Debord). À ce stade, la trajectoire n’est plus utilitaire mais concentrée sur la recherche d’esthétiques capables de provoquer une émotion.
Diptyque 4. Le fond
À droite, une fente pour
mettre des sous dans un parking cohabitant avec un autocollant évangéliste et à
gauche, un camion peint à la manière d’une toile. Ces images sont marquées du
sceau de Villevue car elles visent à « faire voir, voir ce qu’on ne voit pas
sans faire attention, ou ce qu’on ne voit plus à cause d’images figées ».
Ces images figées (ou idéogrammes) dont parle Villevue se modèlent selon des conventions fixées par la tradition. La démarche des deux artistes propose de bousculer cette notion même d’idéogramme et de la transcender en déformant l’objet photographié, en le décontextualisant par exemple, et en changeant le rapport que l’on entretient avec ce dernier.
L’exposition Villevue | La photo est pauvre, la ville est vue, qui sera présentée au
PointCulture Bruxelles du 30 septembre au 16 novembre, vous proposera un
parcours à travers ces images insolites. Une manière, pour vous aussi, de vous prêter
au jeu de la dérive en faisant l’expérience nouvelle et affective d’images du
quotidien. Peut-être vous amuserez-vous ensuite à travers les rues de vos
villes à vous arrêter sur des choses que vous n’auriez a priori pas pris le
temps d’observer ?
texte, photo de bannière dans le magasin de dépôt-vente d'Etterbeek
et portraits (Diptyque 1) :
Alicia Hernandez-Dispaux
autres photos (Diptyques 2 à 4) : Villevue