LE CARNAVAL DE VENISE

CHOC DE CLASSICA septembre 2011

La charnière d'un siècle fait toujours peur et cette angoisse donne le besoin de s'amuser sans penser au lendemain. Ce n'est donc pas un hasard si le Carnaval de Venise d'André Campra a connu un tel succès en 1699 à Paris. Symbole d'insouciance et de débordement, le carnaval est porteur de licences. Ainsi avec Campra, la musique italienne pointait le bout de son nez dans la tradition française longtemps préservée par Lully. Et ce n'était pas innocent puisqu'au 18ème siècle, la dispute entre tenants du style français et défenseurs du style italien allaient se crêper le chignon sur tous les tons. Deux ans plus tôt, Campra avait habitué le public parisien aux arias da capo dans son opéra-ballet l'Europe Galante. Les personnages mythologiques taillés dans le marbre avaient fait place à des êtres de chair et de sang copiés sur la Commedia dell'arte. Venise avait la cote. La Sérénissime portait avec elle un air de fraîcheur juvénile qui faisait cruellement défaut à Versailles et à la monarchie despotique de Louis XIV. Le Carnaval de Venise possède une trame narrative suivie. Après un prologue traditionnel, le premier acte présente les amours contrariés d'Isabelle et de Léandre au son d'une Vénitienne qui devait paraître très exotique pour les auditeurs de l'époque. Les deux amoureux, poursuivis par des fâcheux se réfugient dans un théâtre où se joue un opéra en italien, façon naturelle de greffer le style et la langue dans un contexte français. Tout s'achève par un dernier divertissement. Je suis sûre que vous prendrez plaisir à ce moment festif de qualité aux couleurs changeantes et sans cesse renouvelées. AG