LA COLOMBE

Quand Soprano sort son deuxième album studio, à l'automne 2010, il est l'ultime étendard de ce rap marseillais qui illumina le genre dans les décades précédentes : dans le sillage d'IAM, la Fonky Family, le Troisième OEil, Prodige Namor et tant d'autres avaient naturellement marié leur flow naturel (à Marseille, on parle comme on rappe) avec les sonorités classiques du son new-yorkais, et cela donna nombre de chef d'oeuvres. Autre temps, autres moeurs, le hip hop n'est plus qu'un souvenir, et même Soprano semble avoir cédé aux sirènes du son radiophonique planétaire. Car si le fond de La Colombe reste légitime, comme l'est son créateur, la forme pêche sérieusement. Le syndrome David Guetta, ce virus délétère qui a ruiné l'esthétique du style. L'album est englué dans cet autotune, de « Je rêvais » à « Sur la lune », qui convoque en outre un habillage synthétique et toc, entre Jean-Michel Jarre et David Guetta. « Crazy » ou « Darwa » sombrent dans ce son post disco actuel navrant. On est loin du temps où le 113, avec l'appui légitime là aussi de DJ Medhi, inoculait l'electro dans le rap. On est ici moins près de Daft Punk que des faiseurs qui encombrent les radios. Sur le fond, le rappeur des Psy 4 de la Rime(présents ensemble sur l'enjoué « A la Usain Bolt »), garde son flow volcanique et ses thèmes conscients. Avec la candeur de rigueur, comme sur « Hiro », catalogue raisonné des moments et personnages dramatiques de l'histoire récente. Amadou et Mariam ajoutent du soleil malien sur « On a besoin de toi », ce n'est pas révolutionnaire, on a déjà entendu de nombreuses collaborations entre rappeurs d'ici et musiciens de là-bas, mais cela reste un des bons moments de cet album qu'on aurait aimé moins dans l'air du temps ; Soprano n'a pas besoin de ça. (Jean-Eric Perrin sur www.music-story.com)