DO YOU LOVE THE SUN

Après une triplette d'albums couronnée par l'excellent Massachussetts (1996), Joe Pernice avait mis en sommeil son quatuor country-pop, Scud Mountain Boys. S'ensuivirent une douzaine d'années où, sous le nom de Pernice Brothers, ce fin songwriter livra quelques recueils mêlant classicisme et fraîcheur, du genre facile à sous-estimer sur l'instant (Live a little, 2006), mais dont l'effet perdure. Sans doute la formule s'était-elle émoussée, et revoici notre homme entouré de ses anciens complices Bruce Tull et Stephen Desaulniers. Des travaux d'écriture annexes (y compris la publication d'une collection de ses tweets !) n'ont pas altéré son goût viscéral pour les inusables de sa discothèque, Johnny Cash ou Everly Brothers. Pedal steel et harmonies vocales au menu, donc, et toujours ce léger voile de gravité dans la voix, cette manière incisive de saisir les petits drames de la vie ordinaire (à partir de l'image d'un lit double enveloppé de plastique sur le toit d'une voiture, Double Bed), d'enrober de douceur la tragédie d'une orpheline (Orphan Girl) ou d'un soldat agonisant au front (Drew got shot). Au milieu de l'album, Pernice se dépeint lui-même en mendiant (The Mendicant), prévenant : « Don't be fooled by my elegance... » Il y a pire manière d'être trompé sur la marchandise. On classera plutôt l'oiseau parmi les artisans américains de haute volée, avec les Ron Sexsmith, Josh Rouse ou Jim White. Et, pour renouer les fils de l'histoire, on peut se procurer les deux albums de jeunesse des Scud Mountain Boys réunis en un seul : The Early Year. ¯ (François Gorin dans Telerama)