1915, SIX EPIGRAMMES ANTIQUES (+ HAHN)

En janvier 1915, Reynaldo Hahn compose trois berceuses à l'intention d'Henri Bardac, un soldat blessé à la bataille de l'Aisne. Ces trois miniatures constituent un exemple plein d'esprit et de délicatesse de la contribution du compositeur à la thématique du moment : la guerre. Appelé sous les drapeaux et envoyé au front, Hahn trouve le temps de composer "Le ruban dénoué", un cycle de 12 valses pour deux pianos dans lequel on ne trouve pas trace des émotions pénibles du moment. Au contraire, la musique semble vouloir inviter l'auditeur loin des horreurs des tranchées, dans un univers sentimental oscillant entre rêve et réalité. Serait-ce l'équivalent musical du Grand Meaulnes d'Alain-Fournier ? Le langage de Hahn parait plus simple et direct qu'il ne l'est en réalité. Il réserve cependant bien des surprises.

Le Duo Tal & Groethuysen a mis en perspective l'univers d'Hahn avec celui plus avant-gardiste de Debussy. Musique de guerre ici aussi, puisque les trois pièces d'En blanc et noir remontent à l'été 1915, époque à laquelle le compositeur commençait à ressentir les premiers signes de la maladie qui allait l'emporter trois ans plus tard. L'atmosphère est ici plus abstraite que dans les "Six Épigraphes antiques". La tonalité, mise à mal, donne naissance à des harmonies inouïes qui innervent une texture instrumentale très virtuose. Le tout est soutenu par un contexte poétique porteur d'une grande émotion.